Cours de droit civil : 3ème partie ; la mise en oeuvre du droit
3ème partie : LA MISE EN ?UVRE DU DROIT.
Ce sont tous les principes qui gouvernent l?application du droit.
Titre 1 : la mise en oeuvre du droit objectif.
Quelle que soit sa source, pour être complètement applicable, il faut que la RDD remplisse certaines conditions.
Chapitre 1 : l'effectivité de la RDD.
On va ici se borner à étudier la RDD d?origine légale.
Section 1 : le principe de l?effectivité de la loi au sens matériel.
Sous section 1 : l?effectivité de la loi au sens formel.
Question de la force obligatoire de la loi.
§1 : l?intensité de la force obligatoire de la loi.
A. « nul n?est sensé ignorer la loi »
1/ sens de la maxime :
chacun
d?entre nous est présumé connaître toutes les lois. Cette maxime
constitue une fiction. Nous ne pouvons pas connaître toutes les lois que
l?on soit justiciable ou juriste. En réalité chaque personne qu?il
connaisse ou non la loi lui est soumis. On ne peut pas invoquer son
ignorance pour échapper à la loi. S?il en était autrement, le principe
d?égalité devant la loi serait transgressée.
2/ tempéraments :
a) décret de 1870 :
concernant
les contraventions. ( en pénal, infraction la moins grave ).
L?exception d?ignorance de la loi peut être invoquée devant un juge,
pendant 3 jours francs partant de sa promulgation.
b) dans le cas où un événement imprévisible empêche la connaissance de la loi.
B. les degrés dans la force obligatoire de la loi.
1/ lois impératives et lois supplétives :
une
loi impérative s?impose à tous les cas particuliers qui entrent dans
son champs d?application avec une force obligatoire. Il est alors
impossible d?écarter l?application d?une telle loi, ou de la substituer à
une autre. Par exemple les lois concernant les mariages sont
impératives.
Une loi supplétive a
une force obligatoire relative. Elles n?ont vocation à s?appliquer qu?en
l?absence d?une manifestation de volonté contraire des sujets de droit
qui entrent dans son champs d?action. Elle laisse un espace
d?imagination aux justiciables et aux juristes. Elle évite un vide
juridique. Par exemple les contrats de vente ont des lois supplétives.
Si rien n?est prévu quant à la date du paiement? on paie le jour de la
livraison?
2/ critères de distinction :
Tout est question d?ordre public. Qu?est ce que l?ordre public ? c?est une notion cadre, indéfinissable parce qu?évolutive.
Il existe deux cas de figure dans lesquels la loi est d?ordre public.
-
lorsqu?elle concerne les intérêts primordiaux de la vie en société, le
fonctionnement des institutions qui régissent la vie en société, l?ordre
public, c?est d?abord l?intérêt général.
-
Lorsqu?il s?agit de protéger certaines catégories de citoyens (
salariés, locataires, travailleurs ? etc.) on parle alors d?ordre public
de protection. C?est un ordre public plus catégoriel.
Droit civil, Monsieur Mazeaud, 1er semestre
§2 : la durée de la force obligatoire de la loi :
A. l?entrée en vigueur de la loi :
1/ conditions :
a) la promulgation :
dans
les 15 jours qui suivent la transmission de la loi du parlement au
gouvernement, le parlement doit prendre un décret par lequel il atteste
l?existence de la loi, et ordonne aux autorités publiques d?exécuter et
faire exécuter la loi. C?est le dernier acte juridique de la procédure
législative. Le décret confère à la loi sa force exécutoire. Il situe la
loi dans le temps ( date de la loi).
Cette
exigence de promulgation révèle que la seule volonté du législateur est
insuffisante, il faut que le pouvoir exécutif appose son visa.
Soumission du législatif à l?exécutif.
Pendant
le délai de 15 jours, le président peut demander une nouvelle
délibération au parlement et la loi peut être déférée devant le conseil
constitutionnel.
b) la publication :
elle
s?effectue par le billet de l?insertion au J.O. de la réponse ce qui
assure l?information du citoyen à qui la loi peut être appliquée .
promulgation et publication sont différentes :
- Quant à leur nature, la promulgation est un acte juridique, tandis que la publication est un acte purement matériel.
-
Quant à leur domaine : la promulgation ne concerne que les lois au sens
formel, la publication au sens matériel ( règlements, lois ? )
-
Quant à leur fonction : la promulgation est une étape du processus de
confection de la loi et lui confère sa force exécutoire, tandis que la
publication est une étape du processus d?information, condition
matérielle de l?application de la loi au citoyen. Confère à la loi son
opposabilité aux sujets de droit.
Ce
qui peut arriver, c?est un erratum c?est à dire un rectificatif après
sa promulgation. Quelle est alors sa force obligatoire ?
-
le rectificatif a pour objet la correction d?une erreur matérielle
décelable à première lecture. Dans ce cas le texte garde sa force
obligatoire.
- L?erreur
n?apparaissait pas à première lecture, le rectificatif modifie le sens
de la loi. C?est une erreur de fond. Dans ce cas le rectificatif est
doté de la même force que la loi si elle est conforme au sens de la loi
promulguée. Dans le cas contraire, le rectificatif est privé de tout
caractère obligatoire.
2/ la date d?entrée en vigueur de la loi :
a) principe :
la loi n?a pas force obligatoire avant son entrée en vigueur, qui suppose un certain délais depuis sa publication au J.O.
à paris, le délais est d?un jour franc à partir du jour de la publication de la loi au J.O.
en province, le délais est d?un jour franc après l?arrivée du J.O au chef lieu d?arrondissement.
1
jour franc c?est à dire un jour complet de 0h à 24h. la loi entre en
vigueur le surlendemain du point de départ. En effet il ne faut pas
considérer le jour qui sert de point de départ. ( J.O le 16 octobre, en
vigueur le 18 )
la question qui s?est posée, c?est comment établir la date d?arrivée au chef lieu. Loi qui date de l?an IV. C?est à dire fin 18ème
siècle. La date doit être constatée dans un registre spécial dans
lequel les législateurs de chaque département marquent la date
d?arrivée. En 2001 cela paraît être un système irréaliste. Mais suite à
une affaire le concernant, il y eut un arrêt de la cour de cassation le 6
janvier 1994 : « l?arrivée du J.O. au chef lieu est une condition
nécessaire et suffisante de l?entrée en vigueur de la loi. Sa
constatation dans un registre n?est rien d?autre qu?une formalité
administrative en l?absence de laquelle on peut considérer que la loi
est entrée en vigueur. ( ce qui préserve le principe d?unité de
législation et d?égalité de tous devant la loi)
b) exceptions :
Droit civil, Monsieur Mazeaud, 1er semestre
· l?entrée en vigueur anticipée :
elle
peut être accélérée dans les situations d?urgence. La loi est alors
transmise par un moyen de télécommunication rapide au préfet qui doit
immédiatement l?afficher. Caractère obligatoire avant son arrivée au
J.O. ce qui arrive souvent surtout dans le domaine fiscal.
· l?entrée en vigueur différée :
lorsque
le législateur trouve que la réforme est importante et risque de
bouleverser le corps social, lorsque le législateur recule le délais
jusqu?à la publication de décret d?application ( lorsque les
dispositions de la loi ne se suffisent pas à elle même ) ou lorsque
l?entrée en vigueur de la loi dépend encore une fois du pouvoir
exécutif.
B. l?expiration de la loi :
la loi ne fixe pas elle même la date de sa mort.
1/ annulation :
cas
rare, exceptionnel, hypothèse des lois honteuses, scélérates. Par
exemple les lois du gouvernement de Vichy ( ex : confiscation des biens
des juifs )
l?annulation emporte la suppression des effets que la loi avaient produits ( rétroactivité )
2/ abrogation :
découle de l?entrée en vigueur d?une loi nouvelle qui a le même objet.
a) les modes d?abrogation :
·
abrogation expresse : dans ce cas, l?abrogation découle d?une
disposition de la loi nouvelle ( loi du 30 ventôse an XII )
·
abrogation tacite : ne résulte pas d?une disposition nouvelle, mais de
l?incompatibilité entre la loi ancienne et nouvelle. Problème qui
concerne l?étendue de l?abrogation tacite : il se pose lorsqu?une des
lois est de portée générale, l?autre spéciale, dans ce cas, la loi
nouvelle spéciale abroge dans son domaine spécifique qu?elle régit.
Lorsque la loi ancienne est spécifique et la loi nouvelle générale, on
considère que la loi spéciale antérieure subsiste en tant qu?exception.
·
Abrogation par désuétude ? l?inapplication prolongée d?une loi et
tolérée peut elle aboutir à son abrogation ? le principe de la cour de
cassation du 12 mai 1960 est que « les lois ne peuvent tomber en
désuétude par suite d?une tolérance +/- prolongée et ne peuvent être
abrogées que par des dispositions supprimant expressément celles en
vigueur, ou inconciliables avec elles » ce qui est contraire à ce
qu?avait dit Portalis. La désuétude n?est pas une source officielle
d?abrogation, mais « les peuples se font justices à eux même » . en
pratique, beaucoup de lois sont toujours valables, mais plus vivantes.
Par exemple le décret de 1852 : « le code promulgué en 1804 porte le nom
de Code Napoléon ».
b) le régime de l?abrogation :
on
applique à la question de l?abrogation le principe de la hiérarchie des
normes, contrairement à l?annulation, l?abrogation ne modifie pas la
condition de la situation passée. Tout ce qui relève des effets passés
continue à être régi par la loi ancienne mais la loi nouvelle régit
l?avenir de la situation ( Roubier ).
Sous section 2 : spécificités relatives à l?effectivité des autres règles de droit :
§1 : traités internationaux :
dans notre ordre juridique, effectivité indirecte. L?efficacité n?est qu?à deux conditions :
-réciprocité c?est à dire que les autre signataires l?appliquent.
-acte de réception c?est à dire loi de ratification qui lui confère sa force exécutive.
§2 : droit communautaire :
Dans
notre ordre juridique interne, l?effectivité est interne, elle n?est
pas subordonnée à un acte de réception de l?état. Pour avoir les raisons
de cette effectivité, il faut se référer à l?arrêt Costa du 15 juillet
1964.
A la différence des traités
internationaux ordinaires, le traité de Rome institue un ordre juridique
propre intégré au système juridique des états membres. Il existe un
droit communautaire originaire et dérivé, qui est immédiatement
applicable. Avec ce principe, ce qui est intégré au droit français, ce
ne sont pas des normes statiques, mais dynamiques, un corps de droit
vivant qui produit des règles par ses propres forces, c?est du droit
mouvant ( Carbonnier.)
Section 2 : la portée spacieux - temporelle de la loi.
Sous section 1 : les conflits de lois dans l?espace :
C?est à dire les frontières de la loi française :
- à propos de 2 lois françaises d?origine interne, sur le même objet, à vocation interne.
- Question du concours de lois françaises et de lois étrangères de même objet.
§1 : les conflits internes :
depuis
1804, il existe le principe de l?unité de législation. Pourtant, des
conflits surviennent. Unité ne rime pas avec uniformité. Il existe un
régionalisme, un particularisme juridique è la loi française ne
s?applique pas de façon uniforme, sur la métropole et en outre mer.
A. les conflits en métropole :
certaines lois sont écartées au profit d?un droit local :
en
alsace, dans le haut Rhin, le bas Rhin, en Moselle, pour des raisons
historiques. Ce sont 3 départements annexés par l?Allemagne pendant ½
siècle, jusqu?en 1918. ils appliquaient alors le droit allemand. En
1918, les lois françaises antérieures seraient applicables qu?à la
condition d?un décret ou une lois spéciaux.
Pour
les lois françaises postérieures, elles s?appliqueraient de plein droit
à condition qu?elles soient compatibles avec le droit local.
Bilan
en 2002 : il reste encore des cas pour lesquels le droit local prime,
par exemple pour la publicité des transferts immobiliers, ou les
assurances.
B. les conflits outre mer :
1/ dans les DOM :
Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane
Existent
depuis 1946 des département d?outre mer : principe de l?assimilation
législative, départements qui sont en principe soumis aux lois du
parlement français.
Mais les lois
françaises du parlement antérieures à 1946 n?ont pas principe à
s?appliquer. De plus on peut adapter les lois du parlement français
postérieures à 1946.
2/ dans les TOM :
Polynésie, Walis et Futuna, Nouvelle Calédonie, Terres Australes et Antarctiques.
Principe
de la spécialité législative. Les lois françaises n?ont pas vocation à
s?appliquer sauf si une disposition expresse suivie d?un arrêté
promulgué par le chef de la commune le stipule.
Dans
la nouvelle Calédonie, la législation a un statut spécial : large
autonomie du domaine législatif. Le « Congrès » est habilité à voter des
lois de pays, qui évinceraient celles du parlement français.
3/ dans les collectivités territoriales :
Mayotte et St Pierre et Miquelon
Mayotte => spécialité législative
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St Pierre et Miquelon => assimilation législative
è l?unification législative est donc totalement ratée.
§2 : les conflits internationaux de lois dans l?espace :
concurrence
des lois françaises et des lois étrangères. L?hypothèse des conflits
multiples risque de devenir de plus en plus sensible dans le futur.
Il existe 4 cas de figure de multiplication des conflits :
- 1 français et 1 étranger sur le territoire français.
- 1 français et 1 étranger sur un territoire étranger
- un français à l?étranger
- un étranger sur le territoire français
les
conflits ont vocation à se multiplier dans le futur étant donné le
développement des échanges commerciaux, scientifiques, intellectuels ?
etc.
la matière compétente pour trancher ces litiges est le droit international privé : le DIP.
Les RDD ont des sources internes et internationales.
A. les sources internes :
1/ le code civil :
cf.
article 3 : les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui
habitent le territoire français ( = lois pénales ), français et
étrangers, qui les transgressent. Mais les lois françaises ne
s?appliquent pas à un français à l?étranger. Principe de la
territorialité des lois en vertu duquel la loi régit toutes les
situations qui se développent sur le territoire, indépendamment de la
nationalité de la personne concernée.
Les
lois concernant l?état et la capacité des personnes régissent les
français même résidant en pays étrangers. ( nom, domicile, sexe, mariage
? etc.)principe de la personnalité de la loi : la loi nationale
s?applique pour régir les situations d?une personne indépendamment du
lieu où elle se trouve.
2/ les lois postérieures au code civil :
à compléter ?
3/ la jurisprudence :
cf. cours sur la jurisprudence.
B. les sources internationales :
article
55 de la constitution : les traités et accords internationaux ont dès
leur publication une autorité supérieure à celle des lois. Ordre
directement intégré dans le système juridique français. Vocation à
devenir une source législative autonome et prédominante.
2 sources principales :
1/ le droit communautaire :
droit de l?union européenne. C?est le traité de Rome de 1957 qui l?institue. Puis suivent
1986 => l?acte unique
1992 => Maastricht
1997 => Amsterdam
2000 => Nice
principe de subsidiarité è
la communauté n?agit que si l?action envisagée ne peut être résolue de
manière suffisante par l?état membre concerné, frein qui laisse la
possibilité à la France de continuer légitimement d?exercer son droit de
la famille et le droit des personnes.
Droit civil, Monsieur Mazeaud, 1er semestre
2/ la convention européenne de sauvegarde des droits de l?homme et des libertés fondamentales :
ratifié par la France en 1973.
Interprétation et application du droit qu?en donnent
-
la CEDH : connaît sur le recours de la victime de la violation des
droits reconnus par la Convention. Ouvert après épuisement des voies
internes.
- Les juridictions françaises invoquant la Convention directement.
3/ les autres sources de droit international :
Convention des Nations unies sur les droits de l?enfant ( convention de New- York de 1990 )
Hypothèse maximaliste d?un code civil européen futur.
Sous section 2 : les conflits des lois dans le temps .
Conflits
qui surviennent entre une loi nouvelle et une loi ancienne pour la
détermination de leur domaine respectif d?application dans le temps.
Transition douloureuse du droit ancien au droit nouveau. Selon l?article
2 du code civil, les lois n?ont aucun pouvoir rétroactif, elle ne
dispose que pour l?avenir. Mais c?est une règle générale, le passé n?est
plus dans le pouvoir de la loi nouvelle, mais tout ceci n?est pas aussi
simple.
§1 : le respect du passé par la loi nouvelle.
C?est l?article 2 du code civil dans son interprétation traditionnelle : la théorie des droits acquis.
A. le principe de non ingérence de la loi nouvelle dans le passé.
1/ sens et fondement du principe.
Tend
à donner un maximum de survie à la loi ancienne malgré l?entrée en
vigueur de la loi nouvelle. C?est à dire que le législateur doit
respecter le passé. La loi n?a pas d?effet rétroactif c?est à dire
qu?une loi nouvelle ne prive pas les individus de droits valablement
acquis sous l?empire de la loi antérieure. La loi nouvelle régit les
situations en suspens, les situations expectatives, et les situations
bien sûr à venir. Le principe trouve son fondement dans le fait que la
rétroactivité est une source d?insécurité et d?injustice : « l?homme
serait un être bien malheureux s?il ne pouvait pas se croire en sûreté
même pour sa vie passée. » ( Portalis )
2/ mise en ?uvre du principe :
a) loi nouvelle et situation juridique antérieurement créée :
la
loi nouvelle n?au aucune rétroactivité, la situation antérieure reste
donc la même. En aucun cas elle n?est modifiée par la loi nouvelle. La
loi nouvelle ne s?appliquerait pas selon cette théorie sur la situation
déjà ouverte par une loi antérieure.
b) loi nouvelle et situation juridique antérieurement éteinte :
la loi nouvellement promulguée ne modifie rien. Les droits sont acquis. La loi n?a aucun pouvoir rétroactif.
c) loi nouvelle et effets passés d?une situation juridique :
la loi ne peut pas modifier la situation juridique passée. ( théorie des droits acquis.)